Gaspard de Vintimille

Le cousin de Gaspard, le marquis de Vintimille du Luc, alors qu'il était maréchal de camp et qu'il fréquentait souvent la Cour, avait fait l'acquisition d'un petit hôtel particulier dans le quartier du Marais pour ses séjours parisiens – lesquels il ne prolongeait jamais bien longtemps : ses épouses avaient bien plus occupé cette demeure que lui. Situé non sur la Place Royale, mais à deux pas de celle-ci, il avait été bâti par un bourgeois de sa connaissance qui, ayant obtenu une charge en province, souhaitait s'en défaire. L'ensemble n'avait rien de la richesse et de l'élégance de son hôtel aixois, mais néanmoins il présentait l'avantage de lui fournir dans la capitale un pied à terre confortable.

L'hôtel occupait une parcelle peu large mais profonde, d'où l'avantage de ne pas être trop vaste sans pour autant manquer des commodités élémentaires. Il donnait sur la rue par un petit corps de logis d'un étage sur rez-de-chaussée au centre duquel s'ouvrait un large portail à carrosse sobrement sculpté. Derrière se trouvait une petite cour pavée bordée à gauche par le reste des communs et à droite par les écuries et la remise à carrosse ; ces ailes étroites bordant la cour étaient de même hauteur que le corps d'entrée, c'est-à-dire avec un seul étage au-dessus du rez-de-chaussée, et l'ensemble était coiffé d'une étroite terrasse bordée de balustres fort simples. La domesticité, peu nombreuse, logeait dans le petit corps d'entrée et l'étage des communs.

L'hôtel proprement dit se dressait au centre de la parcelle, entre cette cour un un petit jardin situé à l'arrière. Sa façade fort sobre présentait trois rangs de fenêtres sur deux étages plus des combles dotés d'oeils-de-boeuf au-dessus du rez-de-chaussée, lequel n'avait que deux grandes fenêtres encadrant le grand portail d'entrée central auquel le marquis avant quand même fait ajouter une belle porte sculptée en noyer réalisée en Provence. Selon l'usage parisien, le rez-de-chaussée était légèrement surélevé, de sorte que l'on gagnait la porte d'entrée par quelques marches de pierre ; cette sorte de demi-étage en partie souterrain, ouvert sur la cour par deux fenêtres basses, abritait les cuisines et pièces de service.

A l'intérieur, on pénétrait au rez-de-chaussée dans un étroit vestibule donnant accès à l'escalier placé au fond. A gauche s'ouvrait l'antichambre, dans laquelle les visiteurs étaient d'abord introduits et qui occupait toute le la profondeur du bâtiment. En face, à droite, c'étaient un petit salon à l'avant et un cabinet de travail à l'arrière. Une porte basse, dissimulée sous l'escalier, donnait accès aux cuisines et de là aux caves. Une autre, dans le mur du fond du vestibule, donnait accès au jardin.

Au premier étage se trouvait un petit palier éclairé par la fenêtre centrale. Il desservait à gauche le grand salon et à droite les appartements de la marquise, composés d'une chambre donnant à l'avant sur la cour, avec sa petite garde-robe, et de ceux du marquis, dont la chambre donnait à l'arrière sur le jardin.

Au second étage, un palier identique desservait quatre chambres, deux à gauche et deux à droite. C'est dans celle de droite donnant sur le jardin que le chevalier de Vintimille avait coutume de loger, et c'est donc là qu'il s'installa tout naturellement à son arrivée à Paris.

Enfin les combles n'étaient plus occupés depuis bien longtemps, et on y avait amoncelé un fatras dont une partie remontait même à l'ancien propriétaire.

Toutes ces pièces étaient de dimensions modestes pour une demeure noble, décorées avec goût mais sobriété, et peu de mobilier – certaines étaient même presque vides, le marquis ayant ramené avec lui en Provence certains des meubles pour agrémenter la bastide qu'il avait acquise de sa seconde épouse.

Un mot, pour finir, sur le jardin, où le marquis avait voulu reconstituer un semblant de sa chère Provence. Contre le mur du fond, il avait fait installer une charmante fontaine de pierre tendre sculptée de dauphins et de décors aquatiques réalisée pour lui par des artistes venus spécialement d'Aix. Quelques arbres, dont un platane, des orangers et citronniers en pots que l'on remisait l'hiver dans les communs, et un banc de pierre.