La Cour des Miracles
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

La Cour des Miracles


 
AccueilPortailDernières imagesRechercherS'enregistrerConnexion
-45%
Le deal à ne pas rater :
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre 14 couverts – ...
339 € 622 €
Voir le deal

 

 Payer le prix...

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
Cardinal de Therould
Cardinal
Cardinal
Cardinal de Therould



Feuille de personnage
Rang: Noble
Profession: Cardinal
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Payer le prix...   Payer le prix... EmptyMar 16 Fév - 2:58

Un fiacre arriva au bout de la rue pavée, dans un grand bruit de sabots et de roue qui grinçait. Le conducteur stoppa tout juste sa voiture devant le portail en fer forgé. Il sauta en bas de son siège et ouvrit la portière de son véhicule. En descendit un homme plutôt grand au teint pâle, aux traits empreints de morgue, habillés de vêtements et d’un manteau entièrement brun, jusqu’au chapeau. Il jeta à peine un regard à la femme de type espagnole qui l’attendait depuis un certain temps et ordonna qu’on ouvre un gigantesque portail en fer forgé. Dans une mise en scène un peu théâtrale, les clés tournèrent et le portail s’ouvrit à deux battants, laissant le passage au… « couple » ?

Le précédent propriétaire commença son bagout et débita le début d’un long panégyrique sur les grandeurs de l’Hôtel Particulier. Le noble le coupa, et le remercia. Dépité, il dut partir la tête basse, sans même un regard de la part de l’autre. Une fois débarrassé du gêneur, le Noble demanda à l’Espagnole de la suivre et ouvrit la porte de la demeure. Une fois à l’intérieur, il retira son chapeau.

Sous le chapeau brun, il y avait une calotte pourpre.

Le Cardinal s’apercevant de sa distraction enleva vite fait ce couvre-chef compromettant. Seule celle qui l’accompagnait l’avait vu. Il secoua ses cheveux blonds par agacement.


« Bien. Madame Alfarez Segura, je vous présente… votre nouvelle demeure. »

Rien que l’entrée imposait le respect. Le plafond était haut comme trois hommes, et les murs étaient colorés par des tentures, des papiers peints de couleurs vives, sans compter les buffets encombrés de bibelots qui ne servaient à rien. Le Cardinal agrippa une corde et tira d’un coup vigoureux.

« Pour appeler les domestiques » expliqua-t-il.

Et de fait, un valet poudré, emperruqué et en livrée sortit du salon. Il reçut l’ordre de rassembler toute la domesticité de la maison. Cinq minutes plus tard, les hommes dans leurs livrées noires, les femmes dans leurs jupons blancs présentèrent leur hommage à la nouvelle Maîtresse.


« Deux valets, deux femmes de chambre, un couple de cuisiniers. Voilà, Madame toute votre domesticité. »

Les domestiques saluèrent également le Cardinal mais de façon plus prudente, plus polie et froide. Ils s’en méfiaient.

« Veuillez nous laisser seul à présent, nous allons au Salon. »
« Bien Monsieur. »

Dans une révérence acceptable, chacun retourna à ses tâches. Le Salon était encore plus beau que le couloir d’entrée. Une décoration qui serait peut être au goût de Luela Segura, mais qui s’avérait au final assez lourde, peut être surdorée, trop surchargée aux goûts du Cardinal, qui aimait les murs de pierre froide de sa Cathédrale. Mais vu ce qu’il avait vu dans le boudoir, peut être la Tentatrice aimerait ce luxe ostentatoire. Sa part du contrat était terminée.

Il avait mis deux semaines à trouver un Hôtel Particulier dans des fourchettes de prix convenables, deux autres semaines à négocier la vente et l’acte de propriété avec le vendeur. Il avait tout juste réussi à tenir le délai qu’il avait fixé et avait tremblé la veille de la signature en craignant que cette date soit repoussée à plus tard. Il se voyait déjà devant les tribunaux inquisitoriaux, sur le chevalet à tout avouer.

Depuis sa nuit avec Luela, un sachet de cigue était tout prêt à être ingéré, mais le Cardinal n’avait jamais eu le courage de l’utiliser. Il se contentait de le regarder d’un air macabre. Il avait continué de vivre malgré lui, mais jamais, jamais il n’avait été tenté de recommencer l’expérience de cette nuit avec Luela. Sa Culpabilité ne l’avait pas lâché, et l’empêcherait de recommencer. Il avait tenu ses engagements, et cet hôtel particulier était le prix du sperme… aussi horrible que ca.

Il avait réussi l’exploit de pouvoir entièrement payer cette propriété sur sa fortune personnelle, sans rien faire payer à l’Eglise. Ainsi, la transaction passerait inaperçue, un contrôleur qui s’intéresserait aux deniers placés sous la responsabilité du Cardinal ne verrait rien. En revanche, après la transaction, il avait dû se priver de trois de ses domestiques, n’étant pas capable de payer leur salaire suivant.

Peu importait. Il partirait d’ici une minute ou deux, et il ne verrait plus jamais Luela Alfarez. C’était un soulagement. Il la regarda en faisant un sourire narquois.


« Et bien Madame Alfarez, êtes vous satisfaite de ce que vous voyez ? »
Revenir en haut Aller en bas
Luela Alfarez Segura
Courtisane
Courtisane
Luela Alfarez Segura



Feuille de personnage
Rang: Gitan
Profession: Courtisane
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... EmptyMer 17 Fév - 19:11

Luela était restée silencieuse tout le long du court voyage. Puisqu'il ne daignait lui adresser la parole... Sans doute, au plus profond d'elle-même, la Courtisane aurait-elle espéré qu'il se montre ému, troublé de la revoir. Elle avait presque prit son absence, son silence depuis un mois, comme la preuve qu'elle s'était faite avoir... La question qu'elle se posait depuis trente jours était redoutable, et elle était même rassurée de n'avoir eu à y répondre. Aurait-elle été capable de revendiquer son bien, en divulguant la promesse écrite du Cardinal ?

Elle avait été alors presque ravie d'avoir de ses nouvelles, alors qu'approchaient l'échéance terrible où elle aurait à compromettre l'Homme de Dieu, le compromettre un peu plus encore que ce qu'elle n'avait déjà fait dans sa propre chambre, aux Fleurs du Mal, un mois au paravent. L'homme ne l'avait pas regardé une seule fois, ne lui avait jamais adressé la parole, j'avais jamais frappé à sa porte en la suppliant de lui offrir à nouveau quelques instants de tendresse... Etait-ce cette déception de ne l'avoir pas vu suffoquer loin d'elle qui lui avait donné cette impatience folle de savoir si, oui ou non, elle serait capable de trainer devant les Tribunaux la Vertu du Cardinal ?

Rassurée de monter dans ce fiacre, anxieuse puis, lorqu'on l'aida à sortir, précautionneusement pour ne pas se prendre les pieds dans les outrances de dentelles, de satins et de jupons de sa toilette – Qu'elle avait mis longtemps à choisir, tant elle souhaitait être désirable aux yeux du Religieux – ce fut de l'excitation qu'elle pu ressentir. L'Espagnole ne vit que le Portail, d'abord, le fer forgé avec soin, avec élégance, digne d'un château... Mais derrière se dessina l'Hôtel Particulier, qui capta tant son attention qu'elle n'entendit même pas les mots du Propriétaire, ni les paroles du Cardinal le congédiant. Cette demeure était magnifique, de celles où elle entrait pour visiter ses Compagnons, de celles qu'elle observait en sortant comme si c'était la dernière fois qu'elle touchait les tapisseries aux fils d'or, les crucifix luisant de pierreries trop brillantes, astiquées tous les jours par une foule de Serviteurs.

Ébahie, Luela avança en suivant l'homme habillé de brun, jusque dans l'entrée, qui l'impressionna encore d'avantage. La bouche ouverte, elle écouta avec émotion les quelques mots du Cardinal, lui présentant sa nouvelle demeure. Qu'il soit désormais froid ne semblait plus l'inquiéter, car elle admirait les lieux comme un enfant dans une boutique pleine de jouets, de friandises et de rubans de toutes couleurs. Dans ses iris brune, se reflétait le lustre en cristal, les moulures de plâtre du plafond, les tapisseries brodées et des pompons aux portes. Les petits sujets, vases en porcelaines, représentations nobles en ivoire, tous ces bibelots où se reflétait la lumière de l'entrée lui semblait d'une richesse à mille lieu de la sienne. Digne de ses Fidèles. En s'approchant d'un tableau représentant un panier pleins de belles cerises, si parfaitement peintes qu'elle en avait l'eau à la bouche, la Courtisane fut tirée de son admiration par la clochette qui tinta.

En sursautant puis se tournant vers le Cardinal, elle observa d'un oeil incrédule accourir six Domestiques. Elle cilla plusieurs fois. Elle avait des Domestiques ! Des Serviteurs ! Deux femmes de Chambre ! Et un Cuisinier, non deux ! Son rire fut retint de justesse, tant elle n'y croyait pas. Elle avait des Domestiques ! Elle avait des Domestiques...

« J'ai des Valets... »
Murmura Luela pour elle-même.

Mais bientôt, ils reçurent l'ordre de les laisser en paix, et vaquèrent donc. Lorsque le Cardinal l'entraîna dans le Salon, la Gitane ne put retenir, cette fois, un rictus nerveux, sorte de haussement de ton qu'elle ne contrôla pas. Sa main sur sa bouche, elle leva le nez en tous sens pour ne rien manquer de ce spectacle. Et si le Cardinal aurait préféré plus de simplicité, Luela s'émerveillait de tant de fantaisie, du trop-plein de dorure, de l'excès de richesses... Il avait grandit dans le luxe, elle avait toujours rêvé devant les draps de soie de la femme du Cortijo. Elle avait fait tout ce chemin, subit toutes ses épreuves avec le seul espoir de pouvoir, à son tour, posséder de telles beautés.

« Monseigneur... C'est ... » Souffla-t-elle en glissant son doigt contre le marbre d'une large cheminée. Ce marbre-là était du vrai, pas cette imitation des Fleurs du Mal... Elle crut rêver en n'y trouvant aucune poussière. Elle avait des Domestiques...

« Je ne vous croyais pas capable d'une telle merveille. » Avoua-t-elle en se tourna vers l'Ecclésiastique. « Je veux dire, je pensais que jamais vous ne m'offririez un tel château. Comment pourrais-je être insatisfaite, désormais, Monseigneur ? » Interrogea alors Luela en s'approchant de l'homme.

Sa mine était glacée, des cernes sous ses yeux. Peinait-il à dormir ? La Courtisane l'observa en silence, tantôt anxieuse de constater son état, et tantôt presque heureuse de voir comme il semblait affecté depuis leur rencontre. Il regrettait, peut-être, d'avoir succombé à la tentation, mais ne l'avait-elle pas mis en garde ? Luela ne pouvait comprendre ce qu'il ressentait... Mais réaliser par ce visage si sec et si froid combien le prix qu'il payait le rongeait la ramena à la réalité. Elle aussi avait quelque chose à lui dire. Mais lorsqu'elle ouvrit la bouche, la crainte la prix : de rage, pourrait-il la battre ? Un frisson la fit reculer de nouveau jusqu'à la cheminée.

« A la vérité, je ne puis profiter pleinement de cet instant. » Fit-elle soudain, le visage pourtant halé devenu blême. Il songerait à une entourloupe pour lui dérober plus d'argent encore. Il la détesterait bientôt plus encore qu'il ne pensait en être capable. « Quelque chose me tracasse, Monseigneur. » Elle s'approcha des outils nécessaires à l'entretient de l'âtre, par réflexe, pour se protéger...

« Trois semaines après notre rencontre, j'ai souffert de nausées. D'étourdissements. Je me sentais fiévreuse. J'ai consulté le Médecin, Monseigneur, et ... » Elle déglutit, agrippant instinctivement la griffe servant à gratter les cendres et les braises. « Je porte votre enfant, Monseigneur. »

Aussitôt, elle leva sa main libre, comme pour le stopper et se mit à hurler, paniquée : « Mais je vais m'en débarrasser, n'ayez crainte ! Je ... Le Médecin l'enlèvera ! ». Elle craignait désormais ces yeux trop clairs, trop froids, trop inquisiteurs. Ceux qui la traitaient sans cesse de catin...
Revenir en haut Aller en bas
Cardinal de Therould
Cardinal
Cardinal
Cardinal de Therould



Feuille de personnage
Rang: Noble
Profession: Cardinal
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... EmptyJeu 18 Fév - 12:28

Si elle n’avait pas criée, si elle n’avait pas eu l’air d’avoir aussi peur, alors oui, le Cardinal se serait jeté sur elle. Si elle était restée fière, debout et droite, il aurait voulu la renverser. Mais là, il faisait peur alors qu’il n’avait rien dit, rien fait encore. Il resta de marbre, parce qu’il ne savait pas quelle autre attitude adopter.

Son regard resta dur, mais surtout déshumanisé.

La Vérité était trop grosse pour se faire accepter tout de suite. D’abord à la lisière de son esprit, l’idée s’immisça ensuite jusqu’à son intelligence, et enfin, il percuta. Un enfant. Un enfant ! UN ENFANT ! De tous les châtiments qui pouvaient exister celui-ci était très certainement le plus dangereux, le plus néfaste à long terme. Un bâtard était la preuve vivante de sa Faute, et sa première réaction fut de vouloir l’éliminer. Qu’un jour cette pute parle, et c’en serait fini de sa carrière.

Il avait vu passer le dossier d’un prêtre qui avait rompu son serment. C’était un homme d’âge mûr qui semblait il avait trouvé l’amour chez une de ses paroissiennes, veuve, après des années de bon et loyaux services envers l’Eglise Catholique et Romaine. Ayant été dénoncé, un tribunal religieux avait été instruit et il avait dû justifier de sa Faute. Au final, il avait été chassé de l’Eglise, et surtout excommunié. L’Excommunication. La pire de toutes les condamnations, même en cette époque où l’on se moquait du Seigneur. C’était la Mort. L’Enfer. Le Diable qui vous tirait par les jambes. Tout ca à cause de cet enfant qui l’entraînait vers l’abîme tout comme cette femme le faisait.

Le regard du Cardinal devint orageux, ses lèvres s’amincirent jusqu’à devenir un trait encore plus pâle que le reste du visage. Ses poings s’étaient serrés.

Oui. L’avortement. L’avortement était une bonne idée. Pas d’enfants pas de problèmes, et il serait sauvé. La solution était tellement belle, il n’y aurait que Luela qui en souffrirait, mais au diable Luela. Il suffirait de tuer l’enfant. Le tonnerre lui tomba dessus. Tuer l’enfant. Non, il n’avait pas le droit d’exiger cela, en tant que chrétien il n’en avait pas le droit. Alors quoi ? Laisser vivre l’enfant ? Laisser Luela décider ? Le pire, c’est qu’il pouvait assez difficilement se prouver à lui-même que ce fils n’était pas le sien. Luela était une courtisane, ce qui signifiait qu’elle ne couchait pas tous les soirs avec un client différent, elle gagnait sa vie un peu différemment. Il était donc fortement probable qu’elle ait raison.

En poussant un grognement de rage, le Cardinal cessa de fixer Luela et se regarda dans le miroir au dessus de la cheminée. Son regard ne s’était pas adouci, mais l’Espagnole le voyait de profil maintenant, il avait la mâchoire crispée.

En se regardant dans la glace, le Cardinal se demanda à quoi ressemblerait cet enfant. Aurait-il ses cheveux blonds ou bien les cheveux noirs de sa mère ? Ses yeux gris ou bien les yeux noirs ? Sera-t-il sérieux dès la naissance ou bien d’une insolence rare ? Est-ce que ce sera un garçon ou une fille ? Dans son esprit, le statut du bâtard changea. Ce n’était plus tellement une menace, c’était devenu un être humain. Mais pas encore son enfant. Comment avait il fait pour écarter ceux qui l’avaient gêné jusque là ? Il les avait exilés, tenus à l’écart. Que Luela accouche donc de cet enfant, mais que jamais elle ne sorte de cet hôtel, qu’elle reste cloîtrée dans cette demeure. Non, c’était infaisable, et surtout incontrôlable. S’il laissait vivre cet enfant et sa mère, il faudrait les laisser vivre normalement.

Le Cardinal jeta un regard à Luela, et il n’était plus dur. Il traduisait la douleur –oui, la douleur-.

Elle portait un enfant. Elle portait son enfant. Le seul enfant qu’il n’aurait jamais, le seul qui aura encore le sang des Thérould, Narcisse étant le dernier membre de sa génération en vie. Cet enfant serait le seul qu’il aurait dans toute sa vie, sa seule chance de paternité, devait il vraiment la supprimer ? Du fond de son esprit jaillit une vague d’humanité. Il s’imagina en train de porter cet enfant dans ses bras, il se souvint des bébés qu’il voyait à la messe et imaginait que l’un d’entre d’eux serait son sien. Il visualisa un enfant qui grandissait et se dit « mon enfant ». Toutes ces émotions présentes chez tous et tout le monde, qui jusqu’à il y a peu faisait partie des sentiments exclus du Cardinal. Mais l’envie de paternité ne se maîtrisait pas plus que les pulsions de son corps désormais. Il avait finalement envie d’un enfant, tout comme il avait eu envie de Luela.

Le Cardinal s’écarta de la cheminée et la fixa avec des yeux presques embués par l’émotion. Il tenta d’articuler, mais il lui fallut une ou deux tentatives pour se faire comprendre :


« Vous n’avez rien à craindre de moi. Et ce n’est pas chrétien que de tuer cet enfant, je vous l’interdis. Je vous allouerai une pension suffisante pour payer une nourrice, mais je vous enjoins de garder cet enfant. »

Les paroles étaient des ordres, mais l’attitude du Cardinal exprimait quelque chose de tout à fait différent : il suppliait avec des yeux tristes et les épaules voutées. Il avait été vaincu une fois de plus.


Revenir en haut Aller en bas
Luela Alfarez Segura
Courtisane
Courtisane
Luela Alfarez Segura



Feuille de personnage
Rang: Gitan
Profession: Courtisane
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... EmptySam 20 Fév - 14:41

Luela aurait peut-être préféré qu'il hurle, à son tour. Qu'il devienne rouge écarlate, plus encore que ces atours religieux, qu'il explose dans une rage folle, incontrôlée, démente. Qu'il accourt, qu'il lève la main et qu'il la frappe, à vouloir la tuer, la faire disparaître, la supprimer à jamais. Qu'il soit tant haineux de cette annonce qu'il la batte jusqu'à lui-même connaître des douleurs aux articulations, qu'il voit son sang couler sur ses paumes... Elle ignorait pourquoi elle aurait imaginé cette scène-ci plutôt que celle qui se déroulait sous ses yeux actuellement.
Ce profil pâle, plus blanc qu'un marbre, livide, pire qu'un cadavre, ses lèvres devenues simples fils, et ses yeux devenus presque blancs. Il y avait eu de la rage dans ses prunelles, mais elle n'y voyait plus désormais qu'une trop grande douleur. Et son silence la rendait nerveuse, elle était tétanisée de le voir aussi immobile, aussi muet. L'orage aurait été sans doute préférable à ce calme insoutenable, elle tremblait en serrant de cette main, à rendre ses phalanges blanches, la griffes à braises, s'y rattachant.
Pourquoi n'explosait-il pas ? Pourquoi ne la traitait-il pas d'immonde catin, qu'il les maudisse, elle et cette chose dans son ventre !

Le silence la rendit soudain plus anxieuse encore, cela devenait trop, il ne disait rien, il ne bougeait pas, il se contentait de s'observer d'un oeil morne dans le miroir... Luela frémit soudain lorsqu'il se tourna vers elle et elle crut dès lors que la tempête éclaterait. Mais rien. Juste une voix qui ne semblait être la sienne, tant elle était humaine. Un timbre qui lui rappelait celle qu'elle avait entendu au creux de son oreille lorsque le Cardinal s'était jeté sur elle, lorsqu'elle l'avait découvert Homme. La Courtisane cilla à de nombreuses reprises lorsqu'il ouvrit la bouche...
Ainsi, il souhaitait qu'elle garde cet enfant ! La panique monta d'un cran dans son esprit, la faisant chanceler et elle leva la main, cette main libre, pour laisser tomber l'objet métallique et s'approcher de lui. Ses yeux exprimaient toujours une grande peur, mais cette fois, plus que la crainte de cet homme, c'étaient ses mots qui la terrifiait.

"Monseigneur... Vous..." Sa gorge était sèche, et elle peina à parler tousser. " Monseigneur ! Garder ce... Le garder ?! Mais comment pourrais-je avoir un enfant ? Mon ... mon ventre ! Il va grossir ! Pensez-vous qu'on voudra d'une Courtisane engrossée ?! " Elle avait du mal à contenir la peur qui la tiraillait, qui la rendait fiévreuse.

Etait-ce la crainte de ne pouvoir satisfaire ses engagements envers ses Fidèles, plus que l'angoisse de devenir une Mère ?
" Je vous assure que le Médecin pourra tout arranger, je ... il a déjà ... " L'Espagnole sentait ses larmes devenir trop pressantes. Elle se tut, baissa les yeux de s'agenouilla pour prendre de ses deux mains celle du Cardinal.

" Monseigneur, je suis désolée. "
Gémit-elle en collant le dos de la main sur sa joue. " Gardez cet Hôtel, gardez-le. Laissez-moi effacer cet enfant, et plus jamais vous n'entendrez parler de moi. Je partirai. Loin de Paris. "
Revenir en haut Aller en bas
Cardinal de Therould
Cardinal
Cardinal
Cardinal de Therould



Feuille de personnage
Rang: Noble
Profession: Cardinal
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... EmptySam 20 Fév - 17:29

Le Cardinal n’était pas encore convaincu fermement. Il était évident que c’était une bravade de sa part que de croire qu’il pouvait être un père. Ils s’était marié à l’Eglise et ses enfants, c’étaient les chrétiens, comment pouvait-il se permettre d’avoir un bâtard ? S’il était n’importe quel noble il aurait pu se permettre. Il aurait suffi qu’il verse une petite pension à sa maîtresse, et de mener une double vie pleine d’imprévus et d’amusements. Mais le Cardinal n’était pas n’importe quel noble, à cause de sa position.

Un cardinal n’avait pas de double vie, un cardinal n’avait pas de maîtresse, un cardinal ne versait pas de pension en personne, et surtout, surtout : un cardinal n’avait pas d’enfants, d’héritiers ou de gens qui portaient son nom. C’était plus qu’une loi c’étaient ses Vœux d’Ecclésiastiques qui le disaient. Vœux qu’il avait déjà brisé une fois, certes, mais devait il les violer une seconde fois ? Son Âme ne serait elle pas encore plus condamné ? Lorsqu’on était moine, on pouvait briser ses vœux, lorsqu’on était prêtre, on pouvait briser ses vœux. Lorsqu’on était Cardinal, on pouvait finir exécuté, décapité si le Saint Siège se rappelait que Narcisse de Thérould était noble, mais sinon, l’Inquisition avait la bonté de vous faire échapper des flammes de l’enfer en vous faisant passer par les flammes d’un bûcher. Et l’on ne parlait pas de Luela, qui aurait alors intérêt à fuir dans un pays protestant pour échapper à ceux qui voudraient juger la « tentatrice ».

Non, un cardinal ne pouvait pas avoir d’enfant, alors pourquoi résister ? Il suffirait de laisser faire, il était tellement plus facile de faire avorter Luela et ensuite, le Cardinal pourrait poursuivre sa vie et sa carrière d’une manière tellement plus simple. Pourquoi chercher la complexité ? Elle lui prenait la main, en temps normal il l’aurait assez violemment retiré, mais il était tellement perdu qu’il ne réagit pas. C’était presque agréable, toute cette chaleur. Oui, il fallait abandonner l’enfant, y renoncer, pour ne pas perdre son âme…


« Luela ! »

Il la regarda droit dans les yeux avec un regard qui restait encore assez troublé

« La seule chose que je n’ai pas encore perdu, c’est ma robe pourpre, et je ne sais guère pour combien de temps. J’ai déjà vendu le plus important : mon âme, et pas à vous. Je ne vais pas m’étendre là-dessus, vu que c’est moi qui suis venu vers vous. Mais je vous en prie. »

Il fit alors une chose impensable : il prit le visage de Luela entre ses mains et rapprocha sa tête d’elle. Luela était toujours aussi belle, la face du Cardinal se colora. Tout proche d’elle, il lui dit :

« Cet enfant est ma seule chance de paternité. J’ai été un mauvais religieux, laissez moi être un père pour me racheter. Laissez moi avoir droit à… jouir de cette part d’humanité qui a surgi de je ne sais où. Laissez moi me montrer, à moi et au Seigneur, que je suis un parjure, mais que je suis aussi capable d’aimer quelqu’un. J’ai si souvent prouvé l’inverse.

Entourez donc cet enfant de mystères, ou alors faites croire à ces messieurs que c’est le leur, ou alors créez une histoire tragique qui arrachera des larmes, racontez l’histoire d’un mariage secret auprès d’un prince allemand qui as été forcé de repartir chez lui. J’ai rarement vu le fait d’être enceinte être un déshonneur. C’est plutôt un centre d’attraction.

De mon côté, de par mes devoirs de… père »
(le mot sortit avec difficulté, bizarre dans cette bouche) « je vous verserai une pension, suffisante pour tenir l’entretien de cet hôtel et pour vivre, mais si vous voulez du faste, il faudra effectivement gagner l’argent par vous-même. »

Il retira ses mains du visage de Luela, mais il ne s’éloigna pas pour autant. Il fixa le ventre de Luela, puis comme rien n’était visible, il revint sur son visage.

« Vous pouvez vous exiler, si ca vous amuse, vous pouvez vous installer à la Cour d’Espagne en côtoyer encore plus de luxe et de magnificence ! Mais vous tomberez dans les mains d’une autre maquerelle, et vous recommencerez à zéro. »

Le Cardinal détourna la tête.

« Il y a déjà eu suffisamment de dégâts Luela, n’en rajoutons pas. Ne tuez pas ce petit être, et il est inutile de vous exiler. Il m’est déjà suffisamment insupportable de savoir que j’ai condamné ma propre vie, n’allez pas sacrifier la vôtre et celle d’un enfant à naître. »

Revenir en haut Aller en bas
Luela Alfarez Segura
Courtisane
Courtisane
Luela Alfarez Segura



Feuille de personnage
Rang: Gitan
Profession: Courtisane
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... EmptySam 27 Fév - 19:23

La Courtisane était perdue... Elle devinait qu'il serait impossible de faire entendre raison au Cardinal. La vision de devenir Père était trop grande en lui, et bien qu'elle aurait juré que jamais cet homme n'aurait pu avoir un quelconque instinct de ce type, elle le percevait si puissant qu'il refuserait tout avortement. Pourtant, et malgré qu'il clame vouloir prendre en charge toute dépense se rapportant à cet enfant, la Gitane voulait qu'il comprenne... Qu'il comprenne qu'elle aurait huit mois à passer avec ce ventre trop rond, montrée du doigts par les Courtisanes comme par ses Fidèles. Voudraient-ils d'une Mère ?!

Il ne comprendrait pas... Il n'en était pas capable, le lien du sang, la Vie était trop importante désormais devant les yeux de l'Ecclésiastique. Mais... elle ne pouvait pas être Mère ! Elle ne pouvait pas risquer d'être en disgrâce face à ses Amants, qui aimaient tant ses rondeurs, que de plus amples formes rendraient trop grasses. Mystère ou non, elle ne craignait pas d'avoir à taire le nom du père, mais le porter lui semblait insurmontable... Et puis... L'élever. Avoir un bébé. Elle avala difficilement sa salive, sans réussir à se sentir convaincue.

« Monseigneur... »
Murmura-t-elle, sans savoir ce qu'elle allait pouvoir articuler. Sa voix reflétait son trouble, elle se sentait au milieu de l'obscurité, et ses pensées ne réussissaient pas à l'éclairer. Pourtant, au fond d'elle, elle aurait donné cher pour ne pas avoir à subir les douleurs de cette première fois où la vie s'évada d'elle. En posant instinctivement à ce souvenir la main contre son ventre, elle sentit sa cicatrice frémir, par réflexe. Certes, elles n'étaient plus douloureuses, mais elle l'enlaidissait tant ... Le Cardinal l'avait vue, lors de leurs ébats. Savait-il combien elle avait souffert ?

« Monseigneur, lorsque vous observerez votre enfant, lorsqu'il sera né, ne verrez-vous pas à jamais votre Faute ? Et si l'on vient à en savoir l'origine, ne craignez-vous pas qu'on veuille le faire disparaître ? Et ... moi avec ? »
Sa gorge était sèche, et elle trembla à nouveau.

L'avoir vu si proche, si humain, comme lorsqu'il s'était présenté à elle dans sa chambre des Fleurs du Mal, et observer ses joues se colorer à son contact l'avait cependant rassurée. Il paraissait si froid, si distant... Peut-être n'était-il pas ce qu'il affichait lorsque le pourpre l'entourait. Luela chercha dans ce regard glacé une réponse qu'elle ne trouva pas. Demandait-il une faveur ? Garder son héritier serait bien plus conséquent qu'une simple faveur...

« Et comment savoir si je ... » L'Espagnole marmona quelques mots dans sa langue natale, tout bas. Comme une prière. « Pensez-vous qu'une Courtisane fasse une bonne mère ? »

Craignait-elle de ne pas réussir à offrir une bonne éducation à cet enfant ? Certes, il avait annoncé payer une Nourrice, mais verrait-elle ce petit être dans les bras d'une autre lorsqu'elle s'éloignerait, accomplir ses activités si peu vertueuses, pour revenir l'embrasser tard dans la nuit ? En aurait-elle le courage ? Que devrait-elle lui dire, lorsqu'il demanderait où elle se trouve chaque soir ?
Les questions étaient encore prématurées, mais Luela n'arrivait toujours pas à trouver la solution du Cardinal comme étant la meilleure qui soit ...

« Si je ... si je le garde... Vous lui rendrez visite ? »
Murmura la Gitane.
Revenir en haut Aller en bas
Cardinal de Therould
Cardinal
Cardinal
Cardinal de Therould



Feuille de personnage
Rang: Noble
Profession: Cardinal
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... EmptyJeu 4 Mar - 17:03

Le Cardinal était en train de se maudire par tous les saints qu’il connaissait, mais il était déjà allé trop loin. Il n’empêche, un Cardinal restait un Cardinal, et la robe pourpre ne serrerait jamais contre elle le lange des nourrissons, et le fait d’avoir un enfant ne le dispensait pas de devoir administrer une Eglise, et surtout de se montrer comme un exemple de vertu. Une nuit de mensonge pouvait se pardonner, s’effacer. Vingt ans de parentèle, avec une preuve vivante à la clé, ca ne se cachait pas bien longtemps.

Et plus le Cardinal se maudissait, plus il s’accrochait à cette idée, comme un désespéré à sa bouée. Tout à fait borné, plus rien de rationnel ne pouvait s’opposer à cette idée. Pour la première fois, il réussit à concilier son expérience avec Luela et son amour du Seigneur. Ce n’était pas la faute de Satan, c’était Dieu qui l’avait jeté dans le lit de l’Espagnole. Pourquoi l’avait il fait ? Pour que lui, Narcisse de Therould, renoue avec l’humilité et la compassion, qualités qu’il avait perdu de vue depuis sa cathédrale. Si on suivait ce schéma, alors se priver de cet enfant, que ce soit en avortant ou en l’abandonnant était une ingratitude rare.

Le Cardinal tenta de penser à Luela, mais il ne réussit pas à se mettre à sa place. Mis à part sa propre mère lorsqu’elle avait attendu sa sœur, Narcisse de Thérould n’avait jamais vécu à côté d’une femme enceinte, n’avait pas grande idée de ce que cela représentait. Il savait juste qu’il y aurait un fardeau à la place du ventre pendant les trois-quarts d’une année, et ne connaissait rien des nausées, et de tous les inconvénients d’une grossesse. Il ne pouvait imaginer ce que représentait une courtisane enceinte, et était loin de l’ambiance feutrée des boudoirs, et il le resterait. Non, il ne voyait pas tout cela.

Non ce qu’il voyait, c’était… la Vie. Pas seulement la vie physique de cet enfant à venir. La Vie pour lui, ce que l’on ressentait lorsqu’un bébé vous souriait, lorsqu’il faisait ses premiers pas… C’était se sentir vivant, compter aux yeux de quelqu’un, se faire aimer par quelqu’un et non être craint. C’était ca qu’il voyait à travers cet enfant.

Oui, mais avant même d’avoir un père, chaque enfant avait une mère, et celle-ci tremblait. Le Cardinal se senti attendri par le spectacle qu’offrait Luela. Un mois auparavant, oui il l’aurait frappé, la rage l’aurait emporté. Mais là, l’Espagnole était entourée d’un aura aux yeux du Cardinal.

Face aux peurs de la Courtisane, le Cardinal fit un geste impensable, emporté par l’euphorie : il prit Luela dans ses bras et lui embrassa le front et les cheveux. Au fond de son cœur, une bête grogna dans son sommeil. C’était si doux…


« Une Courtisane ne sera pas une pire mère qu’un Ecclésiastique parjure et blasphématoire comme père. Je ferai des efforts de mon côté, je suppose que vous en ferez autant, et nous réussirons à l’élever.

Jusqu’ici, je n’osai pas me regarder dans la glace parce que j’avais fauté. Maintenant, je n’oserais pas me regarder en face si j’abandonnais cette étincelle de vie et vous, surtout après avoir insisté pour le garder. Oui, je lui rendrais visite, oui je viendrais vous voir, quand je le pourrai, dès qu’une seconde de libre se dessinera… Je veux le voir grandir, je veux que lui me connaisse. Il ne connaîtra pas forcément ma véritable identité, mais il m’appellera « papa », et je l’appelerai « mon enfant ». »


Toujours dans le creux de l’oreille de Luela, il dit sur un ton plus féroce :

« Et le premier qui voudra faire disparaître le fruit du péché, devra alors affronter la colère du Cardinal de Paris. Avant qu’il n’aie eu le temps de prouver quoi que ce soit, il sera en disgrâce, exilé, aux galères… Je briserai leurs vies plutôt que de les laisser menacer les vôtres. Et quand bien même ils découvriraient toute l’histoire, tant qu’ils ne m’auront pas mis en prison, je ne les laisserai pas faire.

S’il le faut je fuirai en Angleterre, là où l’Eglise Catholique n’aurait aucun pouvoir, là où l’on ne condamne pas les prêtres mariés, là où je pourrai ouvertement être…

Être moi-même. »
Revenir en haut Aller en bas
Luela Alfarez Segura
Courtisane
Courtisane
Luela Alfarez Segura



Feuille de personnage
Rang: Gitan
Profession: Courtisane
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... EmptyDim 7 Mar - 23:50

Luela restait sans voix. L'acharnement, la conviction que mettaient le Cardinal à la rassurer, afin qu'elle garde l'enfant qu'elle portait la rendait interdite. Elle se trouvait désarçonnée par ses réactions, lui qui était vu comme ce monstre de cruauté froide par les Petites Gens, qui appelait Blasphème tout et n'importe qui, et qui avait ordonné trop de fois les Bûchers. Cette fois, cette annonce l'avait profondément bouleversé, Luela ne voyait aucune autre explication à sa conduite. Il promettait de la protéger quoi qu'il arrive, et mettre à contribution son haut rang et son pouvoir pour faire disparaître quiconque voudrait du mal à elle ou son petit.

Comment pouvait-on être si différent à l'intérieur et à l'extérieur... Comme il devait souffrir... Ainsi contre l'Ecclésiastique, la Courtisane ne pouvait lutter plus encore et hurler son refus de conserver ce qui se trouvait dans son ventre. Elle n'avait plus le choix : peut-être serait-ce ce qui lui garantirait un avenir plus agréable que celui qu'elle traçait ? Le luxe et la protection, sans avoir à embrasser de bouche trop poudrée, sans avoir à flatter trop d'impotent, sans avoir à se laisser caresser par des mains rugueuses... Que ferait-elle, si ce n'est être Courtisane ?

La crainte de ne rester à jamais qu'une Prostituée la rendait pensive, mais d'autres émotions prenaient le dessus : elle songeait au Cardinal, à cette attitude si proche, si sincère. Il murmurait à son oreille, la rassurait, la prenait dans ses bras. Comme l'eut fait un Compagnon ou un Fiancé. Il était touchant. Il calma son pouls, et elle sut écouter de façon plus sereine ce qu'il avait à dire.

« Promettez-moi... Que si votre décision venait à changer, ou que je me révèle incapable d'élever un enfant... » Elle déglutit. « Promettez que vous le confirez à une autre femme, et que vous ne me ferez aucun mal. J'ai connu des Courtisanes qui accouchèrent aux Fleurs, et le sort réservé à celles qui ne peuvent assumer les fonctions de Mère, par le Père et la Maquerelle, sont impitoyables. »

Car Luela craignait également que, passée l'émotion de se savoir futur papa, l'homme ne veuille revenir en arrière. Or, si l'Espagnole attendait quelques semaines de plus, les risques seraient trop grands lorsqu'elle voudrait se débarrasser de l'embryon. Il lui était trop angoissant de repasser sur une vieille table d'arrière cuisine, de revoir cette cicatrice qui la coupait en deux et rendait son ventre flétri avant l'âge. Se souvenait-il, ce Cardinal, de cette peau disgracieuse, sur son ventre ?

Elle voulait être certaine que, s'il change d'avis, ou qu'elle-même ne se sente plus capable ou plus l'envie d'être Maman, il n'en viendrait pas à les faire disparaître tout deux, ou à la réduire au silence. Elle se faisait désormais à l'idée de garder ce ventre qui s'arrondirait, curieuse désormais de sentir les premiers mouvements de vie à l'intérieur d'elle-même. Elle ne voulait pas risquer de regretter...

« Je vous promets, quant à moi, de ne jamais révéler l'identité de son père. A quiconque. »
En prononçant ses mots, Luela se sentit instinctivement proche du Cardinal. Bien que physiquement, ce soit le cas, elle avait l'impression, lorsqu'elle parlait, de se montrer honnête envers lui, et qu'il en faisait de même. Il se montrait désormais si différent... Radicalement opposé à ce qu'il était.
Revenir en haut Aller en bas
Cardinal de Therould
Cardinal
Cardinal
Cardinal de Therould



Feuille de personnage
Rang: Noble
Profession: Cardinal
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... EmptyDim 14 Mar - 0:56

Ainsi était là l’explication de la cicatrice sur le ventre de Luela. Le Cardinal avait été trop obnubilé sur le moment pour faire attention à quoi que ce soit, mais ses yeux avaient enregistré ce que sa tête ne voulait pas voir, et l’image reprit forme devant lui. Une cicatrice horrible qui défigurait son torse… il n’y avait aucune raison de croire que c’était la première fois que Luela était enceinte. Comme elle avait dû souffrir, comme l’homme qui avait été responsable de cela avait été lâche.

Et lui, vaudrait-il mieux que cet homme ? Ne renierait il pas tout à la dernière minute ? Il lui suffirait de deux lignes sur un blanc-seing et l’affaire serait réglée. Il savait lui mieux que quiconque qu’il était capable d’une telle cruauté, il savait que la bête sommeillait en l’Homme et que les inquiétudes de Luela étaient justifiées. La seule chose qu’elle voulait, c’était se prémunir contre les réveils brutaux de cette bête, et au moins protéger l’enfant. Le Cardinal n’était pas un paladin, et n’en avait pas l’âme, il pouvait très bien décider de sauvegarder sa réputation d’abord et refuser cette promesse et ne pas la tenir.

Seuls les hommes mauvais pouvaient prendre de telles décisions, ou bien les hommes ne pensant qu’à eux. Mais, le Cardinal était bien placé pour le savoir, il était facile de condamner les hommes pour les fautes que l’on faisait soi même. Alors que chaque jour il découvrait les abîmes d’inhumanité dans lesquels il s’était plongé, il ne voulait même plus condamner les autres, juste se condamner lui avec une volonté morbide. Il n’avait pas suffisamment de confiance en lui pour lui promettre ce qu’elle demandait, il avait trop peur de trahir sa promesse.

Mais pourtant, il devait le faire. Le Cardinal n’en était qu’à la première étape de sa résurrection, et redécouvrait l’Humanité. Pour espérer un jour être un Homme, il devait imiter l’Homme, et imiter de la façon la plus convaincante possible, jusqu’à ce que ca devienne naturel. Un humain protégerait son enfant et la mère de son enfant (on ne pouvait pas parler d’épouse).

Un humain devait accepter la possibilité d’abandonner son enfant.

Mais le Cardinal ne le pourrait pas, il savait qu’il ne le pourrait pas, qu’il irait jusqu’à envoyer au bûcher quiconque se prétendrait être le parent de celui-ci, et il ne doutait pas de cela : la jalousie dans son cœur s’allumait rien qu’à l’idée qu’il y ait un autre parent pour ce ou cette petite. Et sa jalousie, associé à son pouvoir, pouvait tuer, briser. "Je ferais preuve d’une grandeur digne d’éloge" pensa-t-il avec beaucoup de second degré. Il ferait surtout preuve d’une cruauté barbare, et pourtant motivée par l’amour.

Lorsqu’il ouvrit la bouche, plus aucune salive n’humectait ses parois. Il eut l’impression de vendre son âme une deuxième fois.


« Si par hasard les choses venaient à mal tourner, je suis… »

Les choses étaient pourtant simples à dire, plus que d’accepter la grossesse de Luela. Mais aux yeux du Cardinal, accepter un enfant, puis accepter de l’abandonner éventuellement était s’exposer à une déception d’une cruauté insoutenable.

« Je suis d’accord pour que vous l’abandonniez. »

Il se détacha de Luela et lui tourna le dos pour aller récupérer son chapeau. Lorsqu’il se retourna, il avait l’expression d’un homme blessé.

« Mais ne comptez pas sur moi pour vous pardonner ce geste si par malheur cela devait arriver. Je ne ferais rien, j’ai promis que je ne ferais rien. Mais je garderai au fond de mon cœur le souvenir d’une trahison. Songez y, Madame. »

Le temps de dire cette phrase, il était passé de l’homme blessé au Cardinal plein de morgue, une attitude presque plus naturelle, plus habituelle en tout cas. Il faut dire que la transition était facile, Narcisse de Thérould était un homme en quête de son humanité, mais il était tellement fragile qu’une blessure pouvait rapidement le transformer en ce monstre de vertu qu’il était.

« Aviez vous autre chose à m’annoncer Madame Alfarez ? »

Il eut son petit pincement de lèvre caractéristique de son agacement.
Revenir en haut Aller en bas
Luela Alfarez Segura
Courtisane
Courtisane
Luela Alfarez Segura



Feuille de personnage
Rang: Gitan
Profession: Courtisane
Parti (pour les Miséreux): Royaliste
Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... EmptyJeu 25 Mar - 23:30

Il était redevenu l'homme glacial et méprisant qu'il savait si bien être, qui semblait si naturel. Si éloigné d'un Homme, en réalité. Aussi froid que les idoles de marbres des églises. Aussi sévère que la Religion elle-même. Aussi droit qu'une Cathédrale, sans la beauté lumineuse et colorée des Vitraux... Luela fut surprise qu'il passe aussi rapidement de l'un à l'autre, chose qui ne l'avait pas tant impressionnée lorsqu'il était venu lui rendre visite aux Fleurs du Mal, un mois au paravent.

Cette fois, il paraissait encore plus haineux envers elle, cette impression-là la rendait mal à l'aise, comme trompée, ou trahie. Elle se demanda alors s'il réserverait, un jour, ce visage et ce regard si distant à son enfant ? La crainte de voir cet homme ce durcir lorsqu'il serait mis au monde la perça de part en part, la Courtisane chercha dans ses paroles le réconfort : quoi qu'il arrive, il a juré de ne pas faire de mal ni au petit, ni à elle...

Et la perspective de pouvoir abandonner ce fruit du Pécher dans les bras d'une femme plus apte à s'en occuper la soulageait cependant. Elle qui craignant tant d'avoir à être une mauvaise mère, ou pire, à subir les représailles de la Conscience du Cardinal !

« Soyez assuré que je ne prendrai cette décision qu'en dernier recours. » Crut-elle bon de préciser, afin de chercher dans le regard de l'homme de Dieu un sentiment qui le rattache encore à celui qu'elle avait sous les yeux peu de temps avant. Ce masque-là lui laissait un goût âcre dans la bouche, et une sorte de déception dans l'estomac.

« Non, Monseigneur. Que Monseigneur se rassure, je n'ai pas d'autres mauvaises nouvelles à annoncer à Monseigneur. » Insista-t-elle. La Gitane n'avait pas pu s'en empêcher : le changement d'attitude était amère dans sa gorge, elle se sentait humiliée qu'il reprenne tant de réserve et de froideur désormais qu'il avait baisé son front, alors que, lorsqu'il était parti sans se retourner, après avoir goûté son corps latin, jamais elle ne s'était sentie trahie...

Il avait montré trop d'humanité pour la lui retirer immédiatement. Elle qui avait parcouru nombre de caractères masculins peinait à lui trouver ressemblance, ni logique ! Comment pouvait-il avoir désiré cet enfant au point de la supplier de ne pas s'en débarrasser, alors qu'il ne la regardait désormais plus qu'en coin ? Comme une souillure qu'on souhaite ignorer, comme une Femme de Chambre ou une Putain !

Luela n'avait jamais revendiqué d'autre statut que celui de Courtisane. Elle savait où était son rôle et où il s'achevait. Elle ne prétendait jamais être une épouse ou une maîtresse, liée par les sentiments à un compagnon... Mais elle avait senti plusieurs douceurs chez le Cardinal, elle l'avait trouvé sincère et limpide. L'observer désormais opaque et dur réveillait son sang chaud, qui ne supportait pas d'être dupée, de s'être fait avoir... pensait-elle.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Payer le prix... Empty
MessageSujet: Re: Payer le prix...   Payer le prix... Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
Payer le prix...
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
La Cour des Miracles :: Développement :: La Rive Gauche :: Les Hôtels Particuliers-
Sauter vers: