Historique
Son père est Hector Alirazes et sa mère, Anne Alirazes, née Posémidos. Du temps de leur rencontre, son prénom à lui était Ektor, fils d'un bijoutier athénien et celui de sa
fiancée était Annà, fille et petite fille de soldats maltais, émigrés en Grèce à la suite de sanglantes rébellions contre le règne ottoman sur l'île. Ils la quittèrent pour une autre, voisine mais là où l'Empire était accepté et respecté.
Ektor et Annà se rencontrèrent de manière tout à fait impromptue lors d'une réception donnée par un ami commun de leurs deux familles. Ils étaient alors tous les deux issus d'un milieuaisé et pleins de promesses, ayant devant eux un avenir tout tracé. Lui devait reprendre l'affaire familiale et elle, faire un bon mariage. Lors de leurs nombreux voyages, les parents d'Annà s'étaient épris des mœurs occidentales et estimaient que le seul moyen de préserver leur lignée était de faire de leur seconde fille une parfaite maîtresse de maison. Bien étrange mais qui n'étonna personne de leurs fréquentations. Annà fut donc promise à un homme, d'une maturité certaine mais à la richesse non négligeable. Jusqu'à ce qu'Ektor entre en scène. Il fut immédiatement séduit par cette jeune fille aux traits orientaux, à la peau basanée et aux longs doigts fins. Il lui fit la cour et contre toute attente, parvint à ses fins. Non sans avoir, au préalable, convint sa promise de se détacher du joug de ses géniteurs. Avec pertes et fracas. Ce qu'elle fit, éprise de toutes les façons de cet homme au regard d'émeraude, au sourire éclatant et au charisme sans faille. Elle se rebella et accepta d'être reniée par sa famille, oubliée de son entourage. Calli ne comprit jamais comment il fut aussi aisé à sa mère, surtout en ces temps, d'échapper à sa destinée.
Ils se marièrent promptement. Lui s'attelant à la tâche qui lui avait toujours été destiné: son père lui laissa les affaires et il reprit le commerce de pierres précieuses. Elle restant dans sa nouvelle demeure pour lui confectionner une armée de petits Alirazes. De leur union naquit trois enfants: deux garçons et une fille. Seule Calliope survécut passée la première année. Malgré cet " échec " d'enfantement, Ektor ne put se résoudre à prendre une seconde épouse, comme le faisait la plupart des hommes du Vizirat. Il éprouvait une véritable adoration pour sa femme et ne pouvait envisager de partager son être avec une autre qu'Annà.
Les affaires prospéraient. On venait des quatre coins du monde pour admirer les créations d'Ektor Alirazes. Il participait à la Gloire de l'Empire, à la magnificence de l'Orient. Ils organisaient des réceptions, jouissaient du faste d'une vie facile. Calliope, en enfant de bonne famille, regardait défiler ces Inconnus chez elle d'un œil critique tout en sachant garder une impeccable mine ingénue. Déjà, la Petite s'employait à l'art délicat de la manipulation. Elle croyait ses parents heureux. Menant une vie dont ils avaient toujours rêvé. Sans se douter que c'était tout simplement celle qu'ils avaient toujours vécu, n'en ayant abordé aucune autre.
La Belle Alizé avait de la chance. Contrairement à beaucoup d'enfants de haute caste, elle était choyée par ses parents. Ils la voyaient comme une envoyée du Ciel, l'incarnation de la force des Dieux. Seule à survivre au fléau des nourrissons, elle fut donc très jeune confrontée à ce fardeau; elle était l'espoir de sa famille, la relève assurée.
Jusqu'à ses dix ans, elle vécut dans une insouciance totale. Elle n'appréciait pas spécialement le mode de vie des Alirazes, rêvant de nouveaux horizons plus fantasmatiques. Mais elle s'en accommodait. Elle avait tout ce dont chacun pouvait espérer. Et puis, elle se disait que plus tard, quand elle serait grande, elle aurait tout le temps de partir étancher sa soif de liberté. Chaque jour, elle s'installait à la fenêtre du Grand Salon et observait les vastes pleines grecques qui, à elles seules, suffisaient à entretenir ses rêveries. Là-bas, quelque part, par-delà les plaines et les mers, elle savait qu'un avenir fabuleux l'attendait.
Sauf que, tout ne se passa pas exactement comme prévu. La versatilité d'Ektor ne tarda pas à se faire sentir. Oh ! Il avait toujours été d'avis changeant ! Changeant de perspectives comme d'autres changent de chapeau. Simplement, jusque-là, ils s'étaient tenues à de petites lubies, telles que modifier ses modèles de création la veille de la confection. Mais ce jour-là, il décida qu'il était temps pour sa famille de changer d'horizons. Il s'ennuyait. Il rêvait à plus de grandeur. Les murs de son commerce lui paraissaient trop étroits. Il voulait rejoindre l'Europe.
S'accomplir à la Cour de Parisn là où la mode et le luxe étaient mots d'ordre. Son épouse avait soupiré, tenté de le raisonner, menacé de le laisser partir seul s'il ne renonçait pas à ce nouveau rêve stupide. Puis, elle avait cédé. Les bagages furent faites, les possessions vendues et ils prirent le premier bateau en partance pour la France. Calliope était toute excitée. Elle y était, plus tôt qu'elle se l'était imaginée, mais elle y était. Elle allait découvrir le Monde.
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Les premiers jours de traversée se déroulèrent sans encombre. Le soleil brillait, caché seulement par quelques rares nuages. L'eau n'était que vaguelettes inoffensives. Ils étaient persuadés
que ce voyage ne serait qu'une formalité et qu'ils arriveraient à bon port sans aucun problème.
Cependant, le temps en décida autrement. Voguer sur la Méditerranée fut simple, mais l'Atlantique ...
Lors de la deuxième semaine, ils débouchèrent sur l'Océan. Et là, les choses se gâtèrent. Le ciel s'obscurcit, les flots se firent menaçant. Le bateau tanguait, menaçant de plus en plus de se retourner pour échouer dans les abîmes. Les Alirazes se serraient les uns contre les autres, enfermés comme tous les autres riches passagers dans les fonds de cale. Peu glorieux pour une telle noblesse. Surtout pour Ektor. Ce fut là la première atteinte à sa gloire prodigieuse, à son charisme indolent. La première d'une longue série. La longue déchéance d'une famille à l'orgueil blessé.
Et puis, il y eut cette nuit. Cette nuit qui devait être la dernière du voyage. Le Capitaine de l'Herakles voulait rejoindre le port de Bordeaux avant une nouvelle tempête. Si glacée que Calliope tremblait dans sa robe de lin, ses longs cheveux trempant son dos, sa peau craquelant telle de minuscules escarres. Elle s'était assoupie contre le buste réconfortant de sa mère, ayant presque oublié le tumulte des flots. Soudain, un grondement sonore se fit entendre, masquant le bruit ambiant. La coque venait de se déchirer.
La panique submergea l'équipage aussi vite que les vagues. Des cris, des pleurs, des bousculades ... Tout le monde voulait rejoindre les canots pour échapper à cette mort certaine. La Gamine hurlait, réclamait ses parents qui lui avaient arraché dans la panique. Elle fut poussée dans un canot par le Capitaine en personne. " Les femmes et les enfants d'abord " hurlait-il au vent, usant abusivement de ce classique. Sauf que beaucoup de femmes et beaucoup d'enfants n'atteignirent jamais les barques. Ainsi que beaucoup d'hommes. Le nombre de survivants, après cette traversée chaotique, se révéla d'une infimité outrageuse.
La suite se passe de détails. Le temps pour eux d'être repêchés par un autre navire, Calliope eut tout son temps pour pleurer sur son sort. Elle était persuadée d'avoir perdu sa famille à tout jamais. Fort heureusement pour elle, Ektor et Annà avaient eu le temps de rejoindre une barque et ils purent se retrouver tout trois sains et saufs. On les fit débarquer à Bordeaux et à partir de là, on les pria de se débrouiller. Car à cause de la tempête, ils avaient perdu toute leur fortune. Le maigre butin des Alirazes se constituait à présent de quelques pièces fourragées dans les poches du Patriarche. Ils avaient tout perdu. Mais il en fallait plus pour entamer les ambitions d'Ektor.
Ils partirent pour Paris. Voyageant à pieds sur les routes de campagne, ne s'arrêtant que pour dormir ou manger le peu de nourriture volée sur les marchés des bourgades françaises qu'ils traversaient. La route fut longue mais ils y parvinrent. A l'instant où ils entrèrent dans la ville, le Patriarche décréta qu'ils devaient changer de nom. Puisqu'à présent, ils étaient français. Il se rebaptisa Hector, pria sa femme de ne plus se faire appeler autrement qu'Anne et tenta de persuader sa fille d'abandonner son nom de naissance pour Marie. Elle s'y refusa. Son nom restait son nom. Il lui avait été attribué en l'honneur de l'inspiration qu'elle donnait à son père pour la création de ses bijoux. " Hector " ne put l'en dissuader et accepta la requête de sa fille.
Pour la première fois, elle put lire la déception dans les émeraudes de son père. Elle baissa le nez, refusant cependant de se plier à cette exigence. Tout en se promettant qu'à partir de cet instant, elle ferait tout pour ne plus jamais le décevoir.
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Presque huit ans plus tard, rien n'a vraiment changé.
Les rêves de Calliope sommeillent au fond de son esprit tandis que ceux de son père se renforcent, misant tout sur son enfant unique.
Lui qui avait espéré fortune à la Cour du Roi Soleil fut renvoyé tel un gueux inutile et encombrant. Le Roi le renvoya derechef et il fut mis dehors par la garde. Personne ne voulut écouter cet Oriental à la mine sournoise, comme ils disaient. Hector eut beau tout envisager, son maigre pécule ne lui permit pas de se refaire un rang. Et il était inenvisageable de retourner à Athènes après tout ce temps, et sans le sou, en plus de ça. Qui diraient les gens ? On se moquerait de lui. On lui dirait qu'on l'avait prévenu, que les Occidentaux n'aimaient pas les sujets de l'Empire.
Ils n'eurent donc d'autre choix que de rejoindre les Gitans. Calliope fut subjuguée par ces Bohémiens aux milles atours, aussi habiles voleurs que danseurs ou magiciens. Durant une de leur journée de mendicité, ils en rencontrèrent personnellement et Hector n'hésita pas à leur faire part de leur situation. Lui pourtant si fière se révéla être au comble du désespoir.
Ceux-ci se montrèrent plutôt accueillants et compréhensifs. On les amena à la Cour des Miracles, là où tous les rebuts de la société française se réfugiait, attendant le jour ou la nuit pour exister à travers leurs arts divers. L'Enfant était aux anges. Elle n'aimait pas la vie noble et celle-ci lui sembla bien plus attrayante en observant toutes ces femmes et tous ces hommes qui s'entrainaient à tromper le peuple.
Elle cessa de se coiffer comme elle le faisait sur son île, abandonna les robes légères pour des tenues plus confortables et plus affriolantes. Privilège de son adolescence nouvelle. Elle se découvrit un talent inexploité pour la danse ainsi qu'un goût immodéré pour le spectacle. C'est ainsi qu'elle rejoignit une troupe de Saltimbanque de la Cour qui s'exhibait sur les places de Paris. Tandis que sa mère prédisait l'avenir à de Belles Dames endimanchées, son père leur volait leurs bijoux et s'était installé un petit atelier pour fondre l'or chipé et revendait ses œuvres à la sauvette sur les marchés.
Il gagnait suffisamment mais, au fond, cela ne lui suffisait pas. L'argent n'était pas tout. Il rêvait de prestige. Cependant, il s'en contenta jusqu'à la mort de sa femme. Anne périt de la tuberculose cinq ans après leur arrivée en France. La maladie l'emporta en si peu de temps que Calliope eut à peine le temps de s'en rendre compte. Il lui sembla cligner des yeux et déjà, ce n'était plus sa mère dont elle tenait la main douce et réconfortante mais celle d'un cadavre froid dont la vie s'était échappée. Elle ne pleura pas. Hector si. Pendant des jours. Voire des semaines. Elle, s'en alla reprendre ses activités, laissant son géniteur se perdre dans les souvenirs de son amour disparu et s'installer dans son mutisme. Pour autant, elle ne l'abandonna pas, venant le réconforter toutes les nuits. Elle le tenait serré contre son cœur jusqu'à ce qu'il s'endorme d'épuisement. Le lien qui existait déjà entre eux se renforça alors jusqu'à devenir inébranlable. Elle se savait prête à tout pour lui faire oublier son chagrin.
Si bien que, lorsque quelques années plus tard, il la pria d'oublier ses rêves d'indépendance pour devenir une des Courtisanes du Roi, elle ne put qu'accepter. Au début, il voulait en faire une de ses Favorites, mais Calliope l'en dissuada. Cela n'était en rien glorieux et il n'avait aucune chance d'approcher le Roi par la suite.
Le but d'Hector était simple: il voulait retrouver son faste passé, retrouver son image de haut dignitaire. Même si ce n'était que dans la Cour des Miracles, il voulait plus que tout au monde retrouver la place prestigieuse qu'il avait toujours eu. Et pour cela, il avait besoin de sa fille. Lui ne voulait pas approcher directement le Roi. Il désirait s'y prendre plus subtilement, voulant jouer de l'éloquence et de l'imagination de la Jeune Fille pour attirer l'intérêt du Roi et par la suite, s'amener lui-même dans le cercle des Courtisans avec la finesse qui lui était propre.
Calliope s'attela à sa nouvelle tâche. Elle se fit amie avec quelques unes des courtisanes, jouant sur sa verve d'ancienne noble pour les approcher et les conquérir. Elle n'hésita pas non plus à user de son apparente candeur, évitant ainsi toutes les compétitions qui s'exerçaient entre les membres de la Cour. Qui pouvait se méfier d'une jeune dame a l'air si fragile ? Personne ne se doutait de ses véritables motivations. Tous pensaient qu'elle était simplement une de ces filles à qui l'ambition manquait et qui voulait à tout hasard faire partager ses fables au monde.
Elle ne tarda pas à rencontrer le Roi en personne et à devenir une de ses Courtisane. Elle lui raconta mille histoires de son île, lui conta ses périples et réinventa la mythologie. Elle le compara au grand Zeus, lui donna la force d'Herakles, la sagesse d'Athéna. Le Roi apprécia ses récits et la réclama de plus en plus souvent dans son entourage. Sous le sourire grandissant d'Hector.
Alizé n'apprécie pas spécialement sa condition. Elle se contente de la tolérer par dévotion pour son père. Elle continue de danser, dès qu'elle n'est pas réclamée auprès du Roi, séduisants les passants. Et parfois, lorsque le temps le lui permet, elle va se réfugier sur les toits de Paris pour observer les étoiles. Espérant encore et toujours un ailleurs.
- Objectifs et possibles évolutions : La Demoiselle fait tout pour se rendre de plus en plus indispensable aux yeux du Roi afin d'introduire son Père parmi les Courtisans. Une fois que celui-ci aura obtenu la place qu'il désire tant, elle espère pouvoir quitter la Cour des Miracles et suivre une de ces troupes qui parcourent l'Europe.
Sujet: Calliope Alirazes 
